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CARNET DE SOURCING CAFÉ : SALVADOR FÉVRIER 2022

Published 03.03.2022
CARNET DE SOURCING CAFÉ : SALVADOR FÉVRIER 2022

Depuis dix ans, Terres de Café entretient des relations de partenariats, d’échanges et souvent d’amitié avec ses camarades producteurs.

Ces relations directes caractérisent d’ailleurs notre stratégie d’approvisionnement, et sont, historiquement, l’un des fondements de la filière du café de spécialité.

Chaque année donc, nous partons « à l’origine » pour consolider nos rapports avec nos partenaires historiques, ou tisser des liens avec de nouveaux.

Après un voyage éclair au Kenya en janvier dernier sur lequel je reviendrai puisque ce sera le focus de notre campagne d’abonnement 22/23 dévoilée en mai, nous partons le 14 février avec Pierre de Chantérac, double champion de France Brewers Cup en direction du Costa Rica, Finca Volcan Azul, chez mon ami Alejo Castro.

 

Première étape, Finca Volcan Azul au Costa Rica

 

C’est Romain Alimoradian, le propriétaire de Terres de Café La Bourdonnais qui vient nous chercher ! En short, bronzé, détendu, il est là pour évaluer la possibilité de monter une Licence Terres de Café au Costa Rica et changer de cadre de vie. Il nous conduit à la ferme dans un mini bus, seule location disponible. Les touristes américains sont de retour dans le pays.

Seulement 24 heures pour moi, pour évoquer la possibilité avec Alejo de constituer lors de la prochaine récolte un container de café destiné à remplacer les cafés à prix de marché que nous avons cessé d’acheter.

Pierre, lui, va rester une semaine, pour mieux comprendre les différentes méthodes de fermentation et leurs impacts sur les profils de tasse, élaborer avec Alejo son prochain café de compétition, et sélectionner les nano lots 2022.

Je file avec Romain dans le nord du pays pour découvrir la ville côtière hyper fréquentée mais restée assez sauvage où il souhaite s’installer. Gros coup de foudre, gros potentiel, projet à deux ans. A suivre.

 

Direction le Salvador

 

Cinq heures de route pour parcourir deux cent cinquante kilomètres, de sublimes paysages et une forte chaleur, retour à l’aéroport de San José, direction San Salvador.

C’est Diego Baraona qui me fait l’honneur de venir me chercher. Michael Loos, notre torréfacteur, et Fabrice Leseigneur, notre photographe réalisateur, m’attendent à l’extérieur de l’aéroport. Je me réjouis de les retrouver. Direction Finca Los Pirineos, dans la région de Usulutan à l’Est du pays.

Après avoir traversé sur des dizaines de kilomètres des plantations de moyenne altitude à l’abandon, nous arrivons pile à l’heure du coucher du soleil. Beauté magique et envoûtante. L’astre solaire disparait doucement derrière les volcans, puis la mer, voilée d’une brume orangée.

Et dire que la guerre se prépare aux frontières de l’Ukraine.

 

Los Pirineos, une ferme, une histoire

 

Los Pirineos n’est pas une ferme comme les autres. 

Début 1900, sur les pentes rocailleuses et désolées d’un volcan endormi, l’arrière-arrière-grand-père de l’actuel propriétaire a défriché, épierré et planté des milliers d’arbres pour constituer l’écosystème que nous pouvons admirer aujourd’hui.

Mais c’est au début des années 90, juste après la guerre civile salvadorienne, à l’aube de l’avènement du café de spécialité que Gilberto Baraona a entièrement designé sa ferme pour produire des nano et des microlots d’une exceptionnelle qualité.

 

 

« 1200 lits de séchage (du jamais vu), sont nécessaires pour produire chaque année plus de 200 lots haute couture. »

 

 

Emporté trop vite par la Covid 19, c’est aujourd’hui son fils, Diego, âgé de 27 ans, qui reprend les rênes de la ferme avec au moins autant de talent que son papa si l’on en juge par ce que l’on voit ici, et de ce que l’on goûte.

Nichée sur les pentes fertiles de la chaîne de volcans Tecapa, à 1500m d’altitude, l’agriculture est dirigée en agro foresterie. Dotée d’un patrimoine botanique considérable, tout est conçu ici pour contrôler entièrement la production, de la germination des variétés à la mise en sac des grains de café vert. 

Des installations de haut niveau

 

1200 lits de séchage (du jamais vu), sont nécessaires pour produire chaque année plus de 200 lots haute couture. Bourbon, Geisha, Pacamara, Sudan Rume, Harrar, SL28… se déclinent ici en fermentations lavées, nature, honey, anaérobiques parfaitement maîtrisées.

Les cupping sont caractérisés par une grande pureté, de beaux équilibres et des tasses juteuses, fruitées et florales pour les meilleurs lots.

Un paradis et un exemple pour amateurs de grands cafés. Ferme particulièrement photogénique, nous tournons des images non-stop pendant deux jours, et recueillons la vision de Diego, particulièrement mature pour un jeune homme de 27 ans non destiné à devenir agriculteur entrepreneur. Il souhaite prolonger l’œuvre de son père concernant les cafés d’esthètes, et anticiper le réchauffement climatique en plantant en volume des variétés adaptées sur des parcelles situées en contrebas de sa ferme. Il pourra alors proposer à ses clients une gamme complète de cafés de spécialité.

 

Santa Anna, ancien bastion du café en Amérique centrale

 

Puis, il nous conduit gentiment à San Anna, chez la Famille Barrera, qui nous accueille chaleureusement avant de partir le lendemain matin sur les pentes du Volcan Chingo.

Cette maison de caféiculteurs aux multiples bibelots et photos de famille ne m’est pas inconnue. J’y suis venu il y a dix ans, lors de mon premier voyage à l’origine…avec Angel Barrera, l’un des fils de la maison, pour une soirée Pupusa*(4). Angel était à l’époque stagiaire chez la jeune entreprise Belco. Il est aujourd’hui directeur du Sourcing Monde.

A l’époque, c’est son père qui s’occupait de ses deux fermes agroforestières – San Isidro et Altamira.

 

 

« Aujourd’hui, le changement climatique vient remettre définitivement en question la culture du café dans cette région. »

 

Jusqu’au début des années 80, Santa Anna était la première région caféière d’Amérique centrale, et le pays était « tenu » par les douze familles les plus riches de la région, qui possédaient des terres et les grands Beneficios, infrastructures où sont « processés» *(1) les cafés en grande partie achetés aux petits et moyens producteurs.

Les propriétaires des Beneficios contrôlaient complètement la mise sur le marché, autrement dit la vente du grain de café vert. La chute des cours puis leur stagnation ont mis un terme à cet âge d’or. Aujourd’hui, le changement climatique vient remettre définitivement en question la culture du café dans cette région.

 

Le projet durable des frères Barrera

 

C’est dans cette ambiance que les frères Barrera – Angel et Humberto – ont quand même décidé de reprendre les fermes familiales, sur un projet qui est la condition de continuation de la culture du café à 1200 mètres d’altitude : plantation de 3000 arbres supplémentaires pour contrôler la hausse des températures, le retour des oiseaux et le compostage naturel ; création de réserves d’eau de pluie pour l’irrigation et le développement de la biodiversité ; polyculture (miel, cacao, vanille, ibiscus…) ; conversion progressive et contrôlée à l’agriculture biologique ; et partenariat de développement de long terme avec un torréfacteur qui garantit des prix d’achat élevés pour financer la rentabilité et la durabilité du projet. C’est là qu’intervient Terres de Café et c’est la raison de ma visite.

Devant la nécessaire mais brutale hausse des cours du grain de café, nous avons donc décidé en décembre 2021 de cesser totalement d’acheter des cafés à prix de marché, notamment du Brésil, pour passer à un sourcing 100% traçable et durable, et de consolider nos achats auprès de nos partenaires historiques (Himalaya, Buenos Aires, Volcan Azul, Khalid Shifa…), ou de nouveaux partenaires comme Angel et Humberto, avec lesquels nous allons importer deux containers*(5). Cette visite est très importante car elle doit valider ou pas le projet.

C’est Humberto qui me fait visiter les fermes qui ont déjà été récoltées. Nous commençons par les deux fermes familiales plantées majoritairement en Bourbons et en Pacas. On ressent un certain déclin, comme un air de tristesse, mais un énorme potentiel.

Il faudra agréger la production de deux autres fermes pour réussir à consolider deux containers (Finca Miramunda et Finca Sunsita). Je visite cette dernière qui se pose comme la ferme modèle pour affronter le changement climatique en moyenne altitude. Son propriétaire, Mauricio est ingénieur agronome. Sa ferme est un havre de paix, parcouru d’arbres endémiques qui protègent les caféiers et entretiennent un microclimat. La famille nous garde pour le déjeuner et nous nous régalons des légumes bio du potager, et d’une volaille parfaitement cuisinée, élevée à la ferme, bien sûr !

 

Un projet sur le long terme

 

Sous réserve du contrôle qualité définitif du produit, nous allons soutenir ce projet, et remercier les familles qui y participent de bien vouloir le faire avec nous. Ce lot de café sera baptisé « El Cuto », nom d’un justicier légendaire qui prend aux riches pour donner aux pauvres… tout un programme pour un projet qui doit permettre aux communautés locales de vivre dignement du café.

Nous touchons là un sujet très important pour l’avenir de la filière du café de spécialité et de son développement : celui de savoir produire des cafés de qualité, scorés entre 82 et 84, en grande quantité. En effet, face à un marché en forte et rapide croissance, le sujet n’est plus de savoir produire et mettre sur le marché des cafés exceptionnels chaque année, mais bien de fournir à une demande croissante de la part de consommateurs non spécialistes, et qui ont abandonnés les tristes et ravageurs cafés « industriels » pour de bons cafés, propres, traçables et durables, à un prix abordable.

 

 

« Nous touchons là un sujet très important pour l’avenir de la filière du café de spécialité […] : celui de savoir produire des cafés de qualité […] en grande quantité. »

 

 

Pour cela, il faut que nos partenaires producteurs fasse le choix de valoriser ou revaloriser les terroirs de moyenne altitude dans le cadre d’une économie rentable donc pérenne, indépendante des grands Beneficios, qui ont entretenu pendant des années une économie de la misère, au détriment des petits et moyens producteurs qui abandonnent encore massivement la culture du café.

Le projet El Cuto, c’est exactement cela !

Une soirée et une nuit chez les Barrera à Santa Anna, encore merci à eux, et nous prenons la route de Finca Himalaya, située sur la chaine de volcans Illamatepec.

Détours imprévus, où l’essence du sourcing

 

Avant de retrouver Mauricio Sallaveria, sur les conseils de Rodrigo du bureau Belco Salvador, nous nous arrêtons chez Entre Nubes, à première vue un coffee shop restaurant. Nous prenons un espresso, bien extrait, quelques photos.

Ça bouge bien à l’origine question coffee shop. Super. J’ai hâte de retrouver Mauricio, je propose à l’équipe de partir lorsque les propriétaires arrivent essoufflés et nous disent en anglais avec beaucoup de respect – « nous sommes si contents de vous rencontrer, nous venons exprès de San Salvador, nous avions peur de vous louper, merci d’être ici, c’est un honneur, nous sommes si contents ».

 

 

« Et oui, derrière l’espace coffee shop, il y a une parcelle d’un hectare de caféiers Bourbons sous la protection de grands arbres. »

 

 

Une légère gêne me saisit, je ne sais quoi dire. Ces gens ont fait 3 heures de route et moi, je veux partir et ne sais quoi leur dire… Je me ressaisi, reprend de la prestance, un peu de contrôle et lâche un peu malgré moi – « OK, ravi aussi, bon c’est quoi le projet ici ? ». Et la visite commence…par la ferme ! Et oui, derrière l’espace coffee shop, il y a une parcelle d’un hectare de caféiers Bourbons sous la protection de grands arbres, parfaitement entretenue. Plus bas, le Wet Mill*(2), puis le Dry Mill*(3), la salle de repos des cafés en parche puis… un torréfacteur Pro Bat 15 kg. Bref, le projet ici, c’est de tout faire, de la graine au grain, à la torréfaction jusqu’à la tasse. Et ça marche.

Sa propre production ne suffit pas à alimenter son coffee shop. Il achète du café en cerise à certains producteurs aux alentours et le process lui-même. Dix ans de travail pour en arriver là. Ce genre de découverte surprenante est le sel des voyages à l’origine, et en dit long sur notre métier toujours en renouvellement. Ces acteurs à l’origine sont aussi l’avenir de la filière car ils démocratisent le bon goût du café à la source.

Un arrêt rapide chez nos amis de Bourbon Coffee Roaster à Atacao, qui ont un coffee shop, se charge de la torréfaction et qui s’occupent d’une ferme. A croire que la tendance au Salvador est à l’horizontalité, de la terre à la tasse, ou contrôle total.

 

Dernière étape chez un partenaire historique

 

Nous arrivons enfin chez Mauricio, toujours passionné et volubile. Nous grimpons les parcelles ombragées de Finca Himalaya. Ici on récolte encore. Nous nous délectons de cerises mures, rouges, jaunes, roses. Fabrice joue avec son drone et prend des images à couper e souffle. Mauricio est comme un gosse, il veut les images. On parle d’un nouveau micro lot en plus de notre classique Bourbon Rouge Nature. Les cerises de Caturra Jaune sont délicieuses, Mauricio les sent bien en fermentation Honey Process. Il me montre son premier nano lot de SL28 Nature, c’est pour moi lui dis-je !

 

 

« Je lui demande alors de faire également un container pour nous en 2023. Il accepte. »

 

 

Bref, moment de bonheur et de partage, au milieu de la nature. Cela fait dix ans que l’on travaille ensemble, il est un des pionniers du Specialty à l’origine, nous l’un des pionniers en Europe, alors nous parlons avec un recul de dix ans sur notre milieu et nous arrivons à la même conclusion. L’avenir de notre filière repose sur la capacité des producteurs à produire de bons cafés en volumes, et à la capacité des torréfacteurs indépendants à les valoriser sur leur marché. Je lui demande alors de faire également un container pour nous en 2023. Il accepte. La boucle est bouclée. Nous avons commencé par lui acheter 10 sacs de Bourbon Rouge en 2012 sans savoir à l’époque si nous avions la capacité de trouver un public d’amateurs qui accepte d’acheter son café un peu plus cher. Ce public du bon gout s’ignorait encore pour ce qui est du café, mais il était bien là !

Nous nous « huggons » avec Mauricio pour les dix ans à venir. Il y a encore tant de consommateurs de cafés dignes qui s’ignorent…

*(1) Processer : opérer la fermentation et le séchage du café

*(2) Wet Mill : Lieu ou l’on procède aux fermentations et le séchage des grains de café

*(3)Dry Mill : Lieu ou l’on trie les grains de café séchés avant exportation.

*(4) Pupusa : spécialité salvadorienne de crêpes de mais fourrées aux haricots, fromage, viande, bananes...assez bourrative, mais qu’il faut manger en nombre pour ne pas vexer la maitresse de maison.

*(5) Un container = 300 sacs de café de 60 kg.

 

>> Retrouvez tous les cafés des fermes Himalaya et Los Pirineos.